Forumeurs.free - http://forumeurs.free.fr

Tribunal de grande instance de Toulouse
ordonnance de référé en date du 5 juin 2002

PRESIDENT : Mme Boyer-Campourcy

DEMANDEUR : ASSOCIATION DOMEXPO
dont le siège social est 3 Rue des Frères Perrier 75116 PARIS

DEFENDEURS :

S.A.R.L. NFRANCE CONSEIL
dont le siège social est 4 Rue J.F. Kennedy 31000 TOULOUSE

S. A.
comparant en personne

Assignation introductive d’instance en date du 04/03/2002

DEBATS : Audience publique du 15 Mai 2002

PROCEDURE : Articles 145, 484, 808 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ordonnance prononcée publiquement le 05/06/2002

FAITS CONSTANTS :

En 1988 M. A. S. a créé un site internet accessible par le nom de domaine "www.idees maison.com", dont l’hébergement technique est assuré par la Société NFRANCE CONSEIL et qui se présente sous la forme d’un guide pratique d’information sur les maisons individuelles et propose plusieurs rubriques concernant notamment la construction des maisons, le bricolage, la fourniture de plans de maisons ainsi que la vente en ligne.

Sur ce site existe également un forum de discussion notamment sur le thème "Constructeurs, Architectes, devis, Contrat, Notaires".

Par actes d'huissier en date du 4 et 7 mars 2002 l'ASSOCIATION DOMEXPO a fait assigner M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL devant le juge des référés invoquant des messages diffamatoires et injurieux à son encontre sur ce site "WWW.IDEESMAISONS.COM" et exigeant l'arrêt de toute diffusion d'information à caractère injurieux ou diffamatoire à son encontre ou à l'encontre des constructeurs adhérents ou exposant.

Le 5 mars 2002 la Société NFRANCE CONSEIL a procédé à la fermeture immédiate du site.

Le 14 mars 2002 le site a été réactivé, M. A. S. ayant pris l'engagement de maintenir la suppression de la totalité des messages litigieux contenus sur le forum de discussion dans la rubrique "construction rénovation" et de suspendre la diffusion de tous nouveaux messages dans l'attente de la décision du juge de référés.

PRETENTIONS ET MOYENS DU DEMANDEUR :

Il convient de se reporter à l'assignation.

L'ASSOCIATION DOMEXPO se présente comme une association qui a pour objet "la promotion et l'organisation de publicité collective d'exposants de villages expositions de maisons individuelles, de constructeurs, de maison individuelles et/ou autres professionnels de l'immobilier et du financement immobilier sur la France entière".

Elle fait valoir que le forum de discussion animé par M. A. S. et hébergé par la Société NFRANCE CONSEIL est devenu l'occasion de la divulgation d'informations mensongères, insultantes, diffamatoires et préjudiciables tant à son encontre qu'aux constructeurs de maisons individuelles et autres professionnels tel que la société CEGI, voir l'UNCMI, syndicat professionnel regroupant les constructeurs de maisons individuelles, et les adhérents de l'ASSOCIATION DOMEXPO.

Elle donne à titre d'exemples des propos tenus le 4 février 2002 sur le site tant en ce qui la concerne qu'en ce qui concerne CEGI.

Elle estime que la réouverture du forum de discussion est de nature à faire courir à nouveau à l'ASSOCIATION DOMEXPO un risque de circulation d'informations illicites tel qu'il a été dénoncé, M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL ayant été incapables d'empêcher les débordements reprochés et rien ne permettant d'assurer qu'ils pourront y arriver dans l'avenir.

Elle maintient qu'elle a été elle, et les constructeurs, membres de l'association et exposants les cibles d'attaques injurieuses et diffamatoires, ces informations étant directement issues d'une défaillance des responsables du site internet "WWW.IDEESMAISONS.COM" et de son hébergeur, la Société NFRANCE CONSEIL dans leur obligation de surveillance de la licéité des informations divulguées par l'intermédiaire de leurs sites.

Leur responsabilité dans cette diffusion d'informations illicites est établie.

Ces atteintes sont constitutives d'un trouble manifestement illicite et préludent à un dommage imminent.

En conséquence l'ASSOCIATION DOMEXPO demande de prendre acte des mesures de remise en état annoncées par les défendeurs et de prendre toute mesure de prévention qui s'impose.

Elle demande de prendre acte de la décision des défendeurs intervenue suite à l'assignation, et de faire défense à M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL de laisser figurer sur leur site quelque discussion que ce soit mettant en cause l'ASSOCIATION DOMEXPO et/ou ses adhérents.

L'ASSOCIATION DOMEXPO demande en conséquence, en tant que de besoin, d'interdire toute discussion mettant en cause l'ASSOCIATION DOMEXPO et/ou ses adhérents.

De plus elle demande au vu du caractère injurieux, diffamatoire et illicite des informations circulant sur le forum de discussion, que soit fixée à titre provisoire une astreinte qui sera liquidée dans l'hypothèse où M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL ne respecteraient pas leurs engagements et que de nouvelles informations illicites concernant, ou ses adhérents circuleraient sur le forum de discussion en cause.

Elle sollicite enfin la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PRENTENTIONS ET MOYENS DU DEFENDEUR :

M. A. S. réplique que l’ASSOCIATION DOMEXPO ne l’a pas contacté en vue de régler l’affaire à l’amiable alors qu’il disposait des moyens techniques pour supprimer certains messages du forum et qu’il a d’ailleurs supprimé tous les messages invoqués sans attendre la décision du juge des référés.

La demande de l’ASSOCIATION DOMEXPO est exagérée et non urgente, et le caractère "imminent" n'est pas démontré.

Les messages désignés s'ils révèlent un certain mécontentement de consommateurs ayant eu des relations avec l'ASSOCIATION DOMEXPO ceux ci ne sont pas tels qu'ils causent un trouble manifestement illicite et un dommage imminent. De plus l'assignation ne rend pas compte de la variété des opinions présentes sur le forum, dont le contenu n'a pas le caractère injurieux et diffamatoire.

D'ailleurs le juge des référés ne peut examiner si les propos sont diffamatoires, la preuve n'étant pas rapportée en l'espèce.

En fait l'assignation constitue une démarche intimidatrice et porte atteinte à la liberté d'expression.

M. A. S. demande en conséquence :

- de rejeter les demandes de l'ASSOCIATION DOMEXPO.

- de condamner l'ASSOCIATION DOMEXPO à une peine d'amende pour procédure abusive.

- de condamner l'ASSOCIATION DOMEXPO au paiement de la somme de 2.559,00 euros au titres des frais irrépétibles.

- de condamner l'ASSOCIATION DOMEXPO à lui verser une astreinte de la somme de 35.000,00 euros afin de lui permettre la publication dans les journaux d'annonces légales d'extraits de l'ordonnance à intervenir.

- de lui donner acte de ce qu'il se réserve le droit de lancer une procédure pour obtenir des dommages-intérêts pour réparer les préjudices liées à cette procédure de référé.

La Société NFRANCE CONSEIL demande de lui donner acte de ce qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher la diffusion des messages litigieux sur le site de M. A. S.

Sa responsabilité ne peut être mise en cause ayant respecté les prescriptions de l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée en procédant à la fermeture du site dès réception de l'assignation et ayant réouvert le site après avoir obtenu l'engagement de M. A. S. de maintenir la suppression des messages litigieux et de suspendre les discussions sur le thème dénommé "construction/rénovation".

Pour les surplus les demandes de l'ASSOCIATION DOMEXPO se heurtent à une contestation sérieuse, n'ayant qu'une obligation de moyens sur les précautions à prendre et les contrôles à mettre en place.

Il ne peut donc y avoir lieu à référé.

La Société NFRANCE CONSEIL sollicite, à titre reconventionnel la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR QUOI, LE JUGE DES REFERES :

Attendu que le fondement de la demande est l'article 809 du nouveau code de procédure civile.

Attendu qu'en application de ce texte le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire un trouble manifestement illicite.

Attendu que l'application de ce texte n'exige ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse.

Attendu qu'il résulte des explications reçues et des pièces justificatives produites et notamment de l'édition des pages du site de M. A. S. que certains propos échangés par les internautes sur le forum de discussion ouvert sur ce site sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite, certains textes comportant de manière évidente des invectives grossières, des imputations d'escroquerie, de pratiques douteuses qui excédent les limites de la liberté d'expression pour entrer dans le domaine du dénigrement portant atteinte à l'honneur et ne respectant pas la dignité de celui auquel ils s'adressent.

Attendu que cela ressort à l'évidence des propos suivants :

- "25/01/2002 npolychr Re: pas content

"Je ne peux que souscrire à tous les conseils et les mises en garde contre les pratiques douteuses des constructeurs.."

- 30//01/2002 R.T DOMEXPO = danger

"Par expérience ne faites appel à un pavilloneur, ce sont des XXX".

-12/12/2001 RT. Fuyez les pavilloneurs suite

".. Le contrat de maison individuelle censé nous protéger c'est de la merde, uncmi et compagnie pareil.. l'important c'est la confiance à accorder à la personne que vous avez en face de vous de préférence le gars qui fera votre maison et pas le gros con de vendeurs d'aspirateurs qui viendra chez vous le soir vous refiler son contrat."

- 13/12/2001 fgth Re: fuyez les pavilloneurs suite

"Il est quasiment reconnu que la plupart des pavilloneurs (vous savez les pseudo n° 1 ou ceux qui faut beaucoup de pub ou exposent à DOMEXPO) étaient des gens uniquement attirés par le fric et se foutaient un peu de la qualité tant qu'ils arrivent à faire de la quantité".

Attendu que l'existence et l'illicéité du trouble invoqué pour justifier l'intervention du juge des référés est manifeste, les défendeurs ne se prévalant d'aucun éléments de nature à permettre d'envisager qu'ils pourraient rapporter la preuve des imputations ci dessus relevées.

Attendu que l'ASSOCIATION DOMEXPO était donc fondée à saisir le juge des référés pour faire cesser ce trouble.

Attendu qu'en effet il est constant que M. A. S. est responsable du contenu du site qu'il a créé et des informations qui circulent sur le réseau, lui seul ayant le pouvoir réel de contrôler les informations ou diffusions.

Attendu que M. A. S. a donc bien l'obligation de respecter les règles légales ou les restrictions ou interdictions qu'impose le droit et ne peut se retrancher derrière la nature de l'Internet pour mettre devant le fait accompli les personnes aux quelles la divulgation de propos illicites porte préjudice.

Attendu que de même la Société NFRANCE CONSEIL en sa qualité d'hébergeur est tenue d'une obligation générale de prudence et de diligence et il lui appartient de prendre toutes précautions pour éviter de léser les droits des tiers, se devant de mettre en œuvre à cette fin des moyens raisonnables d'information, de vigilance et d'action.

Attendu qu'en application de l'article 43-8 nouveau de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, issu de la loi n°200-719 du 1° août 2000 elle est en effet responsable du contenu des services si, ayant été saisie par une autorité judiciaire, elle n'a pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu.

Attendu que toutefois depuis l'assignation délivrée par l'ASSOCIATION DOMEXPO le litige a évolué et qu'il convient pour ordonner ou refuser les mesures sollicités de se placer à la date à laquelle sa décision est prononcée.

Attendu qu'il est établi que dès la délivrance de l'assignation la société NFRANCE CONSEIL a dans un premier temps procédé immédiatement à la fermeture du site de M. A. S., puis dans un second temps a réactivé le site litigieux sur l'engagement de M. A. S. de suppression de la totalité des messages litigieux contenus sur le forum de discussion dans la rubrique "construction/rénovation" et de suspension de la diffusion de tous nouveaux messages.

Attendu que la Société NFRANCE CONSEIL a donc respecté les obligations mises à sa charge par l'article 43-8 sus visé.

Attendu que de même il n'est pas contesté par l'ASSOCIATION DOMEXPO que M. A. S. a bien respecté les engagements pris dans l'attente de la présente décision.

Attendu que le trouble manifestement illicite a donc cessé et qu'il convient de le constater.

Attendu que cela ne rend toutefois pas la demande de l'ASSOCIATION DOMEXPO sans objet car il est évident que le dommage imminent pouvant résulter de la réouverture du forum n'est pas éventuel ou incertain, M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL n'ayant pris sur ce point aucun engagement précis pour l'avenir et n'ayant pas indiqué les mesures qu'ils comptaient prendre pour éviter le renouvellement du trouble illicite.

Attendu que l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures conservatoires pour prévenir ce dommage est donc fondée, cette décision de réouverture sans garantie étant soumise à la seule volonté de M. A. S. et de la Société NFRANCE CONSEIL.

Attendu qu'il convient donc de maintenir les effets de la suspension du forum de discussion sur le thème "construction/rénovation" du site "WWW.IDEESMAISONS.COM".

Attendu que cette suspension ne peut toutefois qu'être temporaire en référé, seul un débat devant le juge du fond pouvant permettre de déterminer de l'illégalité, de l'illicéité ou du caractère dommageable du contenu d'un site litigieux ainsi que des initiatives à prendre à l'effet de mettre un terme définitif au trouble subi par les tiers.

Attendu que le maintien de la mesure de suspension ne vaudra donc qu'autant que l'ASSOCIATION DOMEXPO justifie de la saisine effective de la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la présente ordonnance.

Attendu qu'une astreinte ne se justifie pas à ce stade de la procédure, les défendeurs ayant respecté leurs engagements jusqu'à ce jour et ayant démontré leur bonne foi.

- Sur les demandes annexes :

Attendu que l'ASSOCIATION DOMEXPO a du assigner pour obtenir la cessation du trouble illicite.

Attendu que sa demande était incontestablement fondée en son principe.

Attendu que M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL doivent être condamnés in solidum aux dépens.

Attendu que pour les même motifs M. A. S. et Société NFRANCE CONSEIL ne peuvent pas prétendre à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Attendu que M. A. S. qui succombe ne peut prétendre à la publication de la décision aux frais de l'ASSOCIATION DOMEXPO.

Attendu que l'équité exclut par contre l'application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, l'ASSOCIATION DOMEXPO n'ayant fait précéder son assignation d'aucune demande amiable.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et en premier ressort,

CONSTATE que suite à l'assignation délivrée par l'association DOMEXPO le trouble manifestement illicite généré par les informations diffusées par M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL sur le forum ouvert sur le site internet accessible par le domaine "WWW.IDEESMAISONS.COM" a cessé.

Vu la persistance du dommage imminent,

Maintient les effets de la mesure de suspension prise par M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL à savoir la suppression de la totalité des messages litigieux contenus sur le forum de discussion dans la rubrique "construction/rénovation" ouvert sur le site internet accessible par le nom de domaine "WWW.IDEESMAISONS.COM" et la suspension de la diffusion de tous nouveaux messages.

DIT que cette mesure cessera de plein droit à l'expiration d'un délai de 1 mois à compter de ce jour, si l'ASSOCIATION DOMEXPO ne justifiait pas de la saisine du juge du fond compétent d'une demande tendant à voir juger du contenu des sites en cause.

DEBOUTE l'ASSOCIATION DOMEXPO, M. A. S. et Société NFRANCE CONSEIL de leur demande réciproque au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

REJETTE toute demande plus ample ou contraire.

CONDAMNE M. A. S. et la Société NFRANCE CONSEIL in solidum aux dépens.

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Fait au Palais de Justice de TOULOUSE,

LE 05 JUIN 2002.

LE GREFFIER. LE PRESIDENT.
J.BOYER-CAMPOURCY.