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Tribunal de grande instance de Paris - 17ème chambre

25 octobre 1999, M. S. et I. M. c/ H. B. et F. G.

Extraits

Il est constant que la diffusion d'un texte aux seuls membres d'un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts ne constitue pas une distribution publique au sens de l'article 23 al. 1 de la loi du 29 juillet 1881 ; mais l'élément de publicité est caractérisé par la diffusion de cet écrit à une ou plusieurs personnes étrangères à ce groupement.

La jurisprudence n'a pas précisément défini la notion de "communauté d'intérêts" : il est certain cependant que le simple assemblage inorganisé d'individus attirés par une passion commune ou une curiosité partagée - en l'espèce un attrait pour la psychanalyse - serait insuffisant pour caractériser cette notion, dès lors que l'accès du public à ce groupement informel demeurerait entièrement libre et spontané.

Au-delà de l'objet commun, la notion de communauté d'intérêts suppose certaines conditions d'admission au groupement, quels qu'en soient la forme et le contenu, car c'est à ce titre seulement qu'un caractère privé peut être attribué à la réunion de ses membres.

En l'espèce , il est avéré que l'abonnement à la liste de diffusion "AMP MESSAGER", permettant d'émettre ou de recevoir les messages diffusés sur cette liste, est soumis à plusieurs conditions, qui sont :
- la qualité de membre de l'ACF, de l'ECF, des écoles du champ freudien ou des sections cliniques ;
- à défaut , le parrainage par l'un des membres de l'une de ces associations ;
- une demande adressée au modérateur, qui vérifie la condition d'appartenance à l'un des groupes ci-dessus visés ;
- l'inscription par le modérateur de l'adresse électronique du futur abonné auprès du serveur SORENGO, afin de lui permettre l'accès à la liste de diffusion.

S'il est exact, comme le soulignent les parties civiles, que le parrainage n'est pas soumis à des conditions particulières, il constitue cependant une formalité de sélection, qui engage la responsabilité du sociétaire qui l'accorde, et oblige celui qui le reçoit au respect des règles communes.

Ces conditions d'admission et les modalités de fonctionnement de la liste de diffusion "AMP MESSAGER" constituent donc ses membres en une communauté d'intérêts, au sens de la jurisprudence, et dès lors la diffusion des messages aux seuls adhérents de cette liste ne revêt pas un caractère public, au sens de l'article 23 de la loi sur la presse (…).

Sur l'imputabilité

Il n'est pas contesté que Mme H. B. a adressé, quelques jours avant sa diffusion, à M. F. G., le message incriminé, afin que celui-ci le compose sur son propre ordinateur, après l'avoir contrôlé, et le diffuse sur la liste "AMP Messager".

S'agissant d'une diffamation, qui se consomme par l'envoi ou la diffusion du message, M. F. G. doit être regardé comme auteur principal de l'infraction, Mme B. comme complice pour fourniture d'instructions, pour lui avoir donné les informations nécessaires, à savoir le contenu même du texte litigieux. (…)