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Conseil constitutionnel - Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989
Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication
« Décision C. S. A. » (extraits)

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1988, par MM. Bernard PONS, Claude LABBE, Jacques CHIRAC, Alain JUPPE, Pierre MAZEAUD, Mme Elisabeth HUBERT, M. Jean UEBERSCHLAG, Mme Suzanne SAUVAIGO, MM. Jean KIFFER, Jean-Louis GOASDUFF, Pierre PASQUINI, Mme Roselyne BACHELOT, MM. Michel COINTAT, Philippe AUBERGER, Roland NUNGESSER, Patrick OLLIER, Franck BOROTRA, Christian ESTROSI, Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY, MM. Robert-André VIVIEN, Patrick BALKANY, Lucien GUICHON, Régis PERBET, Claude-Gérard MARCUS, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. Robert PANDRAUD, Eric RAOULT, Jean-Michel DUBERNARD, Bernard DEBRE, Martial TAUGOURDEAU, Arnaud LEPERCQ, Jean-Yves CHAMARD, François FILLON, Jacques GODFRAIN, Mme Nicole CATALA, MM. Jacques BAUMEL, Jean-Paul CHARIE, Alain JONEMANN, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas SARKOZY, Georges GORSE, Edouard BALLADUR, Michel BARNIER, Etienne PINTE, Mme Michèle BARZACH, MM. Pierre RAYNAL, Jean-Claude GAUDIN, Philippe MESTRE, André ROSSI, Gilbert GANTIER, Pierre LEQUILLER, Marc REYMANN, Francisque PERRUT, Henri BAYARD, Michel PELCHAT, Jean-Marie CARO, José ROSSI, Maurice LIGOT, René BEAUMONT, Jean BROCARD, Maurice DOUSSET, Gilles de ROBIEN, Alain MAYOUD, Léonce DEPREZ, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

(…)

En ce qui concerne le renvoi à des décrets en Conseil d'Etat :

13. Considérant que la loi du 30 septembre 1986 a fixé elle-même des dispositions qui limitent la compétence dévolue dans son article 27, alinéa 1, au Gouvernement agissant par voie de décret en Conseil d'Etat ; que l'article premier de la loi précitée dispose, dans sa rédaction issue de l'article premier de la loi déférée, que « la communication audiovisuelle est libre » et que « l'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité de développer une industrie nationale de production audiovisuelle » ; qu'en outre, l'article 70 de la loi du 30 septembre 1986 et l'article 73, tel qu'il est modifié par l'article 12 de la loi présentement examinée, définissent les règles générales applicables à la diffusion des œuvres cinématographiques par les services de communication audiovisuelle ainsi qu'à l'interruption publicitaire dont cette diffusion peut faire l'objet ; que l'article 27, alinéa 1, de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction résultant de la loi déférée, circonscrit le domaine d'application des mesures réglementaires qu'il énonce ; qu'au surplus, il subordonne leur élaboration au respect de garanties essentielles ; que, dans les hypothèses mentionnées au premier alinéa de l'article 27 nouveau, le Gouvernement devra se prononcer en Conseil d'Etat après avoir recueilli l'avis public et motivé du Conseil supérieur de l'audiovisuel comme il est dit au deuxième alinéa du même article ; qu'il suit de là que les dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, dans leur rédaction résultant de l'article 11 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, ne méconnaissent ni l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ni l'article 34 de la Constitution ;

(…)

En ce qui concerne le principe même de l'institution de sanctions administratives :

24. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir tout d'abord que les articles 42-1 et 42-2 ajoutés à la loi du 30 septembre 1986, en ce qu'ils confèrent à une autorité administrative et non à une autorité juridictionnelle le pouvoir d'infliger des sanctions, méconnaissent le principe de la séparation des pouvoirs affirmé par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme ; que le respect de ce principe s'impose d'autant plus qu'est en cause la libre communication des pensées et des opinions garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789 ;

25. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi » ;

26. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, de concilier, en l'état actuel des techniques et de leur maîtrise, l'exercice de la liberté de communication telle qu'elle résulte de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme, avec, d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ;

27. Considérant que, pour la réalisation de ces objectifs de valeur constitutionnelle, il est loisible au législateur de soumettre les différentes catégories de services de communication audiovisuelle à un régime d'autorisation administrative ; qu'il lui est loisible également de charger une autorité administrative indépendante de veiller au respect des principes constitutionnels en matière de communication audiovisuelle ; que la loi peut, de même, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, doter l'autorité indépendante chargée de garantir l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle de pouvoirs de sanction dans la limite nécessaire à l'accomplissement de sa mission ;

28. Considérant qu'il appartient au législateur d'assortir l'exercice de ces pouvoirs de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ;

(…) Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 1989.